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Séance 8 du 19 mars 2014

COMPTE-RENDU DU SÉMINAIRE DOCTORAL D’ETHNOMUSICOLOGIE
Séance du SEEM-PS du 19 mars 2014
compte-rendu établi par Hirai Akiko
Lire François Delalande, Analyser la musique, pourquoi, comment ? par Yvonne Duong
Chapitre 2 (p. 35-92) : Analyse musicale et conduites de réception, « sommeil » de Pierre Henry par Yvonne Duong

Avant de passer au compte-rendu, Yvonne Duong a proposé d’écouter la pièce dont il est question dans ce chapitre (1er mouvement des Variations pour une porte et un soupir de Pierre Henry : « Sommeil », 1963) et que chacun des auditeurs écrive un petit commentaire.

Le compte-rendu suit la structure du chapitre :

1. Question de méthode
1.1. Quel objet analyse-t-on ?
Il existe deux types d’objets en analyse musicale : objet graphique et objet sonore. Le premier est basé sur la partition. Le deuxième a la possibilité de passer par une transcription, c’est-à-dire l’objet graphique. Il y a le débat sur la nature de l’objet sonore : à savoir si on analyse objectivement le « signal » acoustique proprement dit ou bien si on analyse subjectivement ce qu’on entend et ce que l’oreille perçoit. D’après Delalande, on analyse le signal physique en raison d’ordre pratique. Certaines données ne sont pas perceptibles à l’écoute, mais néanmoins importantes du point de vue poïétique.

1.2. Critique de l’analyse morphologique
Le premier réflexe de celui qui veut analyser une musique électroacoustique est de distinguer des unités, faire une transcription pour relever une forme, etc. Cette écoute taxinomique correspond à une pratique de réception « légèrement instrumentée » (possibilité de réécouter un enregistrement, de mettre en pause, etc.) Cependant, certains objets posent problème comme par exemple, le glissando.
Cela nous oblige à nous poser la question de l’objectif de l’analyse musicale : pour Delalande,
« Nous poserons que l’objectif d’une Analyse Musicale est de mettre au jour des configurations qui, soit reflètent les choix (implicites ou explicites) et les actes du compositeurs, soit sont nécessaires pour expliquer les conduites de réception des auditeurs (...) ou les deux à la fois. » (p.40)

1.3 La recherche de pertinences
Analyse : Chercher ce qui est pertinent d’un point de vue poïétique et esthétique, en mettant en relation des observations externes portant sur la production ou la réception avec des observations internes sur l’objet considéré. Il y a deux manières de procéder : par enquête externe et par hypothèse et par vérification.

1.4. Esthétique : les conduites d’écoute
Une des difficultés dans l’analyse esthétique est que chaque écoute est différente. Il faut chercher des régularités dans la manière d’écouter, et ne pas chercher dans ce qui est entendu.
→ Citation de Denis Smalley [Compositeur Néo-Zélandais de musique électroacoustique] : « Ce que je trouve dépend de ce que j’entends, de ce que je m’efforce d’entendre, de ce que je choisis d’entendre . » [Il y a deux livres dans la bibliographie. Delalande n’a pas précisé la source de cette citation]
→ Citation les textes de Delalande p. 42
« Lorsqu’on écoute attentivement une musique, on se donne plus ou moins consciemment un but : on attend quelque chose de ce moment d’écoute (qui se précise au cours de l’écoute), ce qui détermine une stratégie, des centrations particulières sur ceci plutôt que cela et contribue non seulement à former une image perceptive de la pièce, avec ses symbolisations, son sens, mais aussi à provoquer des sensations, éventuellement des émotions, qui en retour renforceront ou réorienteront les attentes. C’est cet acte dans lequel finalité, stratégie, construction perceptive, symbolisation, émotions, sont dans une relation de dépendance mutuelle et d’adaptation progressive à l’objet que nous appelons « conduite d’écoute ». »
Il y a deux niveaux de conduites d’écoute que l’on peut appeler les « conduites actuelles » (dépendantes des circonstances et des dispositions d’esprit individuelles) et des « conduites-types ». Il peut exister des conflits entre des conduites d’écoute (conduite hypnotique vs conduite analytique par exemple)

Problèmes soulevés : Quel degré de généralité de ces écoutes ? Les écoutes-types sont-elles liées à un profil d’auditeurs ? À un genre musical ?

2. Application à l’analyse esthétique de « sommeil »

Yvonne Duong a demandé aux participants de lire ce qu’ils ont écrit lors de l’écoute de l’extrait au début de la séance.
Réponse 1 : Il y avait l’ostinato, les oppositions entre le son aigu et le son grave.
Réponse 2 : Pic, la vitesse, le contraste, l’image
Réponse 3 : L’image, monotone, deux sons opposés (son aigu et son grave)
Réponse 4 : Son aigu ressemblant aux oiseaux (...).
Réponse 5 : Le son comme l’ordinateur ou la machine, (...), le son comme la vague et les oiseaux, quatre ou cinq fois les oiseaux (...).
Réponse 6 : Son de respirateur ou respiration avec le sifflement toujours à la même vitesse (?)
Réponse 7 : Certain respecté (?) dans les aigus, finalement le sentiment
Réponse 8 : une opposition claire entre plusieurs timbres. Pas sûr pour l’ostinato mais il y a clairement le rythme. (...)
Réponse 9 : Je suis perdu dans cette musique car je ne savais pas comment écouter cette musique. Deux approches différentes. « Qu’avez-vous entendu ? » est différent de « comment avez-vous entendu cette pièce ? ». Il y a projection de questions sur le sujet. Toutes les questions selon la construction sur la mélodique etc. Tout au milieu de la pièce, j’entends la projection de droite à gauche. L’autre fois, ce n’était plus horizontal. Opérer le moment de suspension de pièce.
Réponse 10 : Deux niveaux de sons. Un son plutôt sec et aigu, pour moi une sorte de pulsation qui est plus régulière. Il y a un autre niveau de son. Un son qui a le mouvement. Plus mouvementé. Un rythme très irrégulier. Il y a une sorte de régularité dans cette irrégularité.
Réponse 11 : Souffle, vip, répétition, mais pourtant varié.

2.1. Le protocole d’enquête et ses limites
Huit sujets dans lesquels quatre compositeurs de musique électroacoustique, trois musiciens amateurs de musique électroacoustique et un néophyte.
Chacun de ces sujets écoute le « Sommeil » séparément (trois sujets écoutent une fois, deux sujets écoutent deux fois, et un sujet écoute trois fois), puis ils commentent en entretien libre. Les entretiens sont enregistrés et transcrits.
→ Résultat : 1) Il y a cohérence de la conduite d’écoute : les attentes déterminent une stratégie, donc une sélection, donc une construction perceptive spécifique. 2) Analogies entre des témoignages permet d’esquisser une typologie des conduites. 3) Chacune des conduites peut conduire à un type d’analyse distinct.
→ Autre limite : part d’interprétation qu’implique l’analyse des témoignages : 1) Un témoignage verbal n’est pas forcément fidèle à ce qui s’est passé lors de l’écoute. 2) Un entretien conduit différemment aurait sans doute amené à d’autres commentaires de l’auditeur. 3) Les rapprochements faits entre les témoignages sont le résultat d’une appréciation des analystes.
→ Données qu’on peut retenir d’un témoignage : ce que l’auditeur a entendu/n’a pas entendu, des regroupements qu’il a effectués, la métaphore qu’il propose pour qualifier le son.
Deux directions possibles pour pallier ces problèmes :
1. recueillir des réponses plus simples, via un questionnaire, une grille.
2. s’il existe une corrélation entre une conduite d’écoute et la forme qu’on attribue à la musique, on peut prédire une analyse selon le type d’écoute, et la soumettre à validation auprès d’un échantillon d’auditeurs qui aura reçu des consignes strictes.
→ Les trois principales conduites-types sont : l’écoute taxinomique, l’écoute empathique du matériau sonore et la figurativisation.

2.2. L’écoute taxinomique comme conduite
Ce type d’écoute correspond à une tendance de l’auditeur à distinguer des unités morphologiques assez grosses, à qualifier ces unités, à remarquer comment ces unités sont disposées les unes par rapport aux autres et à essayer de mémoriser ces données. L’objectif est de construire et de mémoriser une image globale de la pièce.
Segmentation
Les unités morphologiques sont regroupées en ensemble, mais sans fixer son attention sur des oppositions trop fines. Les moments de discontinu permettent un découpage en « parties » (deux ou trois selon les auditeurs.)
Métaphores descriptives
Métaphores comme étiquettes pour qualifier les sons, et la même étiquette est toujours réalisée pour un même type de son. Ex. : « Goutte d’eau ».
L’écoute taxinomique
L’écoute taxinomique conduit à l’image perceptive la plus neutre, pour donner une photographie peu détaillée mais complexe de la musique, en mettant entre parenthèses les particularités subjectives. Pour les sujets, c’est une toile de fond sur laquelle on pourra inclure des observations plus personnelles. La question posée est s’il y a transcription mentale dans cette écoute. Est-elle un artefact expérimental ? C’est une écoute induite par la situation.
Les écoutes taxinomiques isolent trois chaînes perçues et opposées :
-  Impulsion 1) aiguës, 2) graves et 3) souffle.
- Opposition 1) de tessiture, 2) d’épaisseur, 3) de présence (proche/loin).
Variation fine à l’intérieur des chaînes non relevée.
Un ou deux changements remarqués, d’où segmentation de la pièce en deux ou trois parties.

2.3. L’écoute empathique du matériau sonore
Attention et stratégie
Les auditeurs qui adoptent cette attitude se remarquent par l’attention portée aux sensations « physiologiques », ils commentent au niveau du ressenti. Leur attention est portée sur le moment présent, sans chercher à établir des relations avec les moments antérieurs. Aucun effort de découpage en parties. Il y a incompatibilité entre cette écoute focalisée sur une sensation et l’écoute taxinomique. Il est nécessaire de confronter cette écoute à une autre pour comprendre pourquoi on a eu tel ou tel ressenti.
→ Question et remarque par Ayari : si Delalande a un peu décrit les pratiques d’écoute de divers individus, la problématique se trouve dans leurs arrière-plans. Normalement la musique est façonnée par catégorie. On écoute la musique selon la catégorie à laquelle on appartient, on met nos connaissances quand on écoute la musique. Mais quand on pose la question comme ceci, on passe le terrain à l’autre, et on ne sait pas ce qu’il faut décrire.
→ FP : Delalande n’essaie pas de rapporter les écoutes aux profils et aux formations professionnelles. Delalande détache des types d’écoute qui sont observables ou non, utiles ou non. Ce n’est pas un type d’article scientifique validé tel qu’on l’exige aujourd’hui. Il a apporté une taxinomie d’écoute qui est ou pas utile, mais savoir si c’est vrai n’est pas la question.

La métaphorisation
Les métaphores de premier niveau qui tendent à décrire la morphologie du son (« impact très dur », « coup de poinçon, de marteau »), très proches d’un auditeur à l’autre. Les métaphores de deuxième niveau, articulées dans des images plus complexes, personnelles à chaque auditeur (« une espèce de karaté au ralenti (...) comme la démonstration d’un art martial », « ça me fait penser à des concepts de géologie (...) des couches qui agissent entre elles ».)

La construction de l’image
Dans cette écoute, contrairement à l’écoute taxinomique, seulement deux catégories retiennent, l’impact et le frottement. Il n’y a pas de sections successives, mais pseudo-répétition. La perception de l’œuvre s’organise autour de dynamiques contraires : impact/ Frottement, premier plan / arrière-plan, vertical/ horizontal. Les sons sont appréciés dans leur individualités : le sentiment de ralenti, de la beauté du son.

2.4. Figurativisation
La figurativisation est une mise en scène du « vivant » qui correspond à une tendance à trouver du « figuratif », à considérer que certains sons évoquent quelque chose qui bouge. Remarque de Duong : cette approche est déconseillée dans les copies de commentaire d’écoute, ce genre de commentaires n’est pas apprécié par les professeurs de commentaire auditif.

Les images qui se sont imposées à l’auditeur pour les trois chaînes évoquées : 1) souffle (son de la respiration), 2) impulsions graves (son de battement de cœur), 3) impulsion aiguës (son de signal et sifflement). Les sons s’opposent entre extérieur (la goutte d’eau, le signal) et intérieur (la respiration, le cœur), entre les sons localisables (signal) et les sons non localisables, flous (souffle).
Forme et récit
Les métaphorisations de deuxième niveau sont plus personnelles et mettent en scène un être vivant dans un décor/ contexte. L’idée d’une approche progressive à laquelle s’ajoute celle d’une évolution de l’angoisse vers la détente. Le thème de l’endormissement s’impose vers la fin en rapport avec le titre « sommeil ».
Conflit prégnance-signification
À la fin de la pièce, on entend quelque chose comme un « ronflement ». L’auditeur rétrospectivement la réinterprète. L’auditeur a découvert au milieu de l’écoute que ce qu’il entendait en deuxième plan est en fait une respiration. Cette découverte repose sur un conflit perceptif entre ce qu’on écoute volontairement et ce qu’on entend malgré soi.

La figurativisation, une écoute naïve ?
Raconter une histoire pourra sembler l’indice d’une attitude enfantine, à l’opposition d’une écoute « savante ». L’opposition entre l’auditeur sans complexe qui parle de Minotaure dans un labyrinthe / celui qui évoque l’organique, l’intérieur et l’extérieur.
On pose deux modèles théoriques pour analyser ce point de vue. Michel Chion propose quelques catégories analytiques, notamment le concept de « chose » et d’ « écrire ».
→ Citation des textes de Michel Chion, « Du son à la chose, hypothèses sur l’objet sonore », Analyse Musicale, n°11, Paris, 1988
« Le son est, en même temps qu’il est objet sonore, son d’une chose, et cette chose peut être figurée comme un corps imaginaire habitant les trois dimensions dans l’espace, et qui a un volume, des parois, une masse, une densité, une vitesse, sans être forcément nommable […] Le son est la manifestation des états et des activités, et parfois de la vie de la chose […]. Nous pouvons citer deux cas typiques de « choses » dans la musique concrète. Le premier est ce qu’on peut appeler l’êtricule, autrement dit le petit être. C’est Pierre Henry qui l’a le plus souvent employé dans ses musiques. Il évoque un organisme vivant de petite dimension, toujours changeant et toujours identique, entendu sur le fond de cosmos […]. La chose est parfois, si l’on veut, un personnage sonore, au sens où Messiaen a parlé de « personnages rythmiques ».
Delalande évoque deux modèles théoriques pour analyser ce point de vue. Le premier est le concept de « chose » et d’ « écriture » de Michel Chion. Le son est comme « personnage sonore ». Le deuxième est la semio-narrativité de Greimas. Le son comme « actant », au sein d’un « parcours narratif », mais le modèle sémio-narratif ne peut rendre compte que de ce point de vue particulier, et non des écoutes empathique et taxinomique. Dès que le souffle a été identifié comme respiration, l’auditeur peut apprécier pleinement le son. Ex. : « J’aime cette respiration à la fois naturelle et artificielle. » L’auditeur se satisfait lorsque tout s’éclaire, lorsqu’il comprend qu’il s’agissait d’une respiration. On analyse selon les indices de l’ « être » et de la « chose ». L’indice de l’être vivant est la respiration selon la fluidité, la matière proche du bruit coloré, et la périodicité. Le jeu se trouve sur la différence entre perception kinesthésique et acoustique. L’indice de cœur est deux coups rapprochés pour les battements de cœur. On remarque l’intervalle entre battements invraisemblable. Le signal est une attaque percussive qui a le son d’une chose et non d’un être. Sa hauteur facilite la localisation dans un espace externe. Ces deux paramètres assurent une prégnance de ce son.
Delalande emprunte à Jean-Christophe Thomas le terme d’ « émergence », il y a d’abord « extériorisation » progressive, disparition progressive des éléments qui masquaient la respiration, émergence de la signification causale explicite du son de respiration, et à la fin émergence du personnage du dormeur.
Dans la pièce « Sommeil », l’endormissement est indiqué par une détente progressive à la disparition des configurations stressantes et de la tension dramatique liée aux battements de cœur, à l’amplitude de la respiration diminue (la détente musculaire), et à la perte de la conscience du battement de cœur quand on s’endort. « Sommeil » montre de l’intérieur et de l’extérieur.
Les jugements appréciatifs portent surtout sur le personnage principal. Deux critères apparaissent. Un premier critère est l’ambiguïté entre réalisme et abstraction, entre perception kinesthésique et perception acoustique. La deuxième est la diversité. Duong a cité la citation par Delalande. p. 82
« La respiration se forme, s’étale, se parcourt […] la chaîne, certainement, qu’on écoute le plus attentivement. »

Points de vue complémentaire
Delalande ajoute trois autres écoutes-types : Recherche d’une loi d’organisation, écoute immergée, non-écoute. Duong ajoute que pour le premier cas, en ethnomusicologie, une des conduites d’écoute peut être la recherche d’un modèle sous-jacent qui n’est jamais entendu tel quel, mais sous forme de variations répétitives ornées.

3. Bilan
3.1. Ecoute taxinomique
C’est la construction d’une image globale neutre de la pièce. Elle est effectuée par segmentation en unités, parties, regroupements, et recherche de contrastes. L’auditeur qualifie chaque unité avec utilisation d’une métaphore récurrente.

3.2. Ecoute empathique
Cette écoute se focalise sur les sensations, sur le ressenti du moment présent. Il n’y a pas de découpage en parties. L’auditeur a de la difficulté à situer des éléments dans le temps de manière précise. On a des expressions métaphoriques très subjectives.

3.3. Figurativisation
L’auditeur construit mentalement des images, des scènes ayant des caractéristiques spatiales et temporelles. Il y a la possibilité de donner forme à une narration imaginaire. L’utilisation de métaphores est vivantes (êtres, choses).

Deuxième écoute avec la transcription de Delalande :
http://www.inagrm.com/sites/default/files/mini-sites/acousmographies/co/sommeil.html

→ Question : qui a fait l’image ? Réponse : Duong a trouvé cette transcription sur le site de Delalande.

Commentaires

Picard : tout d’abord nous avons dans ce chapitre deux niveaux de commentaires : celui de l’auditeur et celui de Delalande. L’emploi des termes « naïve » ou « enfantine » reflète clairement un avis de Delalande.

Nous avons toujours une attitude d’écoute verbalisée. Duong a évoqué une attitude que le professeur n’apprécie pas lors du commentaire d’écoute. Le professeur ne peut pas donner d’appréciation à un élève qui décrit les images qui lui sont venues à l’esprit en écoutant une musique. En revanche, il peut juger les éléments entendus dans une écoute taxinomique : sons aigus, percussion dans le grave, etc.

→Ayari : Venant d’un domaine un peu particulier de la psychologie de la musique, il a eu beaucoup d’occasions d’effectuer des études expérimentales avec les musiciens en psychologie de la musique sur le sujet « comment faire parler un sujet de son expérience esthétique ? ». Le langage verbal trahit l’expérience.
Quelle méthodologie ? Quelle pièce ? Quel type d’auditeur ?
Travail avec un grand nombre d’auditeurs, on a toujours problème avec les auditeurs non-musiciens. On pense que les non-musiciens n’entendent rien. On ne s’intéresse jamais à comment les gens entendent la musique mais on cherche toujours à définir le comportement des auditeurs.
Le protocole expérimental de Delalande n’est pas valide. En psychologie, on peut publier un article juste pour valider un protocole : la modélisation est une partie de la recherche, on est toujours en train d’inventer le modèle. Mais ici, Delalande ne l’a validé par aucune statistique. Delalande ne pourra jamais publier un article comme ceci en psychologie, mais son point de vue perception est fort. L’écoute que Delalande montre dans son protocole est plus proche d’une écoute naturelle, alors que dans le paradigme expérimental en psychologie, on travaille surtout sur une écoute non naturelle orientée par des consignes.

→Plisson : Il faut voir l’époque où cet article a été écrit. Depuis que cet article sur la réception a été écrit, il y a beaucoup de choses qui ont été écrites.
→ Picard : Il y a un article déjà écrit en 1998 en anglais, qui n’a pas été jamais traduit en français. Cet article a été repris en 2013 en français.
→ Plisson : Delalande utilise un vocabulaire de sciences sociales. Ex. : Protocole enquête.
→ Picard : Tous les sujets de son expérimentation connaissent la raison pourquoi Delalande le fait. Ce protocole est archi spécial. Mais aujourd’hui, ce protocole serait refusé.
→ Plisson : On est attiré ou on n’est pas attiré par cette enquête avec ces individus qui étaient ses amis. Delalande s’intéresse au comportement d’individus qui abordent la musique avec la partition, à savoir l’expérience individuelle et la réception particulière. Mais ce n’est pas valide sans expérimentation.

→ Joëlle Côme : La pièce entendue était-elle connue ? Si elle était déjà connue, ou du moins, si le compositeur est connu, je trouve qu’on a déjà l’idée préconçue.
→ Picard : Je suis d’accord. Il y a la validation de deux choses : la validation de l’article de Delalande, et la validation en mettant une étude dans un livre publié en 2013. Est-il valable l’article sur l’expérimentation sur laquelle tous les sujets connaissaient qui effectue cette expérimentation, etc. Aujourd’hui, cet article n’est pas valable.
En tant qu’ethnomusicologue, je trouve que cette attention que porte Delalande à l’écoute, à la conduite ou la stratégie, est extrêmement pertinente : quand je regarde l’attitude de conduite différenciée sur l’objet en mettant en perspective (par ex.) la musique chinoise entendue par l’occidental et l’inverse :
- les Occidentaux sont obsédés par la manière dont c’est fait, par comment ça peut s’écrire.
- les Chinois : dénombrer (combien de cordes), dire ce que ça fait dans le paysage sonore existant.

→ Eric Decreux : Il peut considérer que sa présentation de l’expérience illustre la façon. Il montre les effets qui sont montrés par l’expérience.
Ex. : Goethe

→ Picard : La démarche de Delalande prend plutôt l’aspect de la phénoménologie au XXe siècle ou de Descartes. Il ressemble aussi à un type de savoir qui est dur : celui des systèmes experts. A partir d’ici on peut partir dans l’analyse statistique pour avoir l’allégorisme généralisé.
La phénoménologie était à l’intérieur du débat au point de vue scientifique mais pas sur le modèle de l’expérimentation à la Claude Bernard. Il y a eu la célèbre controverse, appelée « le paradoxe Einstein-Podolsky-Rosen ».

→ Ayari : Une réponse à l’aspect. Quand on lit de textes de Delalande, on a toujours la question « qui parle ». Est-ce Delalande ou les auditeurs ? Là, ça nous pose le problème. Quand on commence à analyser les données des auditeurs, on est vraiment content de son chiffre. On ne trouve pas cette importance de chiffre dans le texte de Delalande.

→ Picard : Delalande a-t-il pensé que son protocole passe en psychologie comment Plisson ou Ayari l’ont pensé ? Delalande met l’importance sur le protocole lui-même, et de là il sort de son chapeau de magicien des thèmes de typologie : d’abord l’action sur les combines d’écoute, déroulement d’entendre, quel est le rapport qu’il entend, le petit temps de la verbalisation qui est beaucoup plus court, etc. Il met l’importance sur le protocole lui-même, sur la situation d’écoute, etc. Pourquoi l’on s’occupe la musique.
Ce n’est pas pertinent parce que l’homme musical n’occupe pas la musique. La situation est l’inverse de l’ethnomusicologue de facture standard qui apprend l’écoute des autres.
La psychologie de l’expérience de musique. Il ne se met pas au-dessous de l’auditeur.

→ Ayari : Pour monter une expérience, j’ai mis un an à la faire valider (elle doit passer par le comité d’éthique). Il a fallu quatre ans de correction pour pouvoir le publier.
→ Picard : Aujourd’hui on nous demande de publier plus vite.
La psychologie scientifique s’appelle maintenant « cognition » ou « cognitivisme ».