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Séance 5 du 5 février 2014

lecture du chapitre 5 « Transcription et Analyse » de l’ouvrage de François Delalande, Analyser la musique, pourquoi, comment ?, Paris, INA éditions, 2013, page 117 à 123 par Angéline Yegnan

compte-rendu par Mohamed Hamrouni

Présentation générale
L’article transcription et analyse de François Delalande porte son intérêt sur le processus analytique musical. Nous y retrouvons une approche épistémologique du rapport qui lie étroitement l’analyse et la transcription qui l’émerge. Cette réflexion est portée en premier lieu sur la musique électroacoustique. « Lorsque Pierre Schaeffer a baptisé Concrète, en 1948, la musique à laquelle il était l’inventeur, il voulait marquer que cette musique partait du concret sonore, du son entendu, pour chercher à en extraire des valeurs musicales abstraites. Et cela à l’inverse de la musique classique, laquelle part d’une conception et d’une notation abstraites qui mène çà une exécution concrète. » [Michel Chion Guide des objets sonores Pierre Schaeffer et la recherche musicale, Paris, Buchet Chastel, 1983, p. 39] Cette musique qui n’adhère pas au processus de transcription solfégique occidental, légèrement adapté par ailleurs pour des musiques du monde, cette musique particulière nécessite des transcriptions plus adéquates. Elle incite à la création d’autres formes de représentations graphiques de ce signal sonore qui forme l’objet musical. Une représentation qui permet de rendre plus évident les particularités de l’objet sonore plutôt que d’autres. Cette représentation graphique est intitulée transcription. Ces particularités mises en évidence par cette transcription seront des traits pertinents. Le choix de la transcription est délibéré. Il définit entre outres les limites de l’analyse par biais des pertinences qu’elle met en évidence. Les multiples transcriptions donnent lieu à autant d’analyses, de résultat analytique. Cette pluralité d’analyses devrait nous offrir un résultat final enrichi et couvrir des aspects différents.
Avant de se livrer à l’analyse, l’enquête externe du résultat musical permet une compréhension des phénomènes qui l’entoure. Étudier ce cadre nous permet une meilleure objectivité dans notre approche analytique de l’objet musical. De plus, cette enquête externe nous prépare à mieux cibler notre orientation idéologique et l’angle de notre recherche. Par analogie l’analyse formera notre enquête interne. Le produit musical étudié reste avant tout un objet sonore qui supporte point de vue. Chacune puise ses résultats dans des analyses diverses qui s’appuient sur autant de transcriptions. Cette enquête peut être évitée, si elle est implicitement faite par guise de commodité. Ce raccourci est intitulé analyse directe. Dans le cas de la musique écrite, il demeure indispensable de bien négocier la légitimité et l’efficacité de la partition.
L’analyse des arcs frappés africains
Dans le compte rendu auquel nous nous intéressons, cette approche d’analyse de la musique électroacoustique, est appliquée à un autre registre, les arcs frappés africains (mbela et godye). Cette approche consiste à mettre en évidence les variétés des arcs musicaux, leurs points communs, tirer les conclusions ou mettre en lumière les résultats qui en découlent. La pré-analyse permet aussi de cibler le questionnement de travail de recherche. Combien de fondamentales ont-ils chacun ? Ces extraits sont-ils joués de façon libre ou mesurée ? Quelles sont les harmoniques sélectionnées pendant le jeu de ces arcs ? Pour y répondre l’étude se base principalement sur deux transcriptions rythmiques du mbela enregistré par Susanne Furniss en 1998. CD Ocora C 560139 plage 9 et celui de l’arc godye enregistré par Hugo Zemp CD D 8048 Musique baoulé Unesco collection Auvidis 1965 plage 9. L’intention porte à effectuer une analyse directe fondée sur la pluralité des analyses, et la détermination des points de vue. Les traits pertinents seront respectivement la perception des fondamentales, la régularité rythmique et la sélection des harmoniques. La première analyse porte sur l’aspect rythmique, où l’on se base sur des transcriptions effectuées par la doctorante elle-même. Cette approche a permis de mettre en évidence le changement de pulsation rythmique entre les deux versions présentées. La deuxième transcription est celle des ambitus des extraits et l’étendue des tessitures des différentes bandes sonores, des arcs à résonateur buccal et à résonateur en calebasse, dans un tableau. Grâce à cette représentation on a pu montrer que l’ambitus des fondamentales des arcs à résonateur buccal va de 200 Hz à 800. La tessiture des bandes où se dégage le timbre de l’instrument part de 900 Hz jusqu’à 2000 Hz environ. L’ambitus des fondamentales des lesiba va de 100 HZ à 300 Hz. Le logiciel adopté pour recueillir ces informations et Praat. La chercheuse s’appuie sur une transcription harmonique effectuée par ses soins de l’extrait du thomo arc à résonateur en calebasse. Cette représentation est récapitulée dans un tableau qui compare l’arc thomo avec l’arc jejolava.
Ces études mettent en évidence les remarques suivantes :
« L’élément pertinent ici qui se révèle est le lien circonstance de jeu et timbre : les arcs dont le timbre est métallique et « grésillant » semblent appropriés pour le divertissement, et encouragent au travail : les arcs à corde pincée, frappée, à résonateur en calebasse. Ceux dont le timbre est proche des sons de la nature sont utilisés par dans la nature ( les pâturages par les bergers du Lesotho pour se divertir ) mais aussi pour appeler le bétail : les lesiba. Enfin ceux dont le timbre est un raclement ou un sifflement sont utilisés pour les rituels, le travail ou encore le divertissement : c’est le cas de l’arc à support raclé et celui à un arc à corde frottée. Bien que les travaux de Delalande ne traitent pas des musiques de traditions orales, mais plutôt des musiques acousmatiques, et que les approches d’analyses de l’un comme de l’autre soient différentes, l’application de ces méthodes sur mon sujet de recherche m’a permis de mieux comprendre ce chapitre 5 et de faire mienne sa méthode. » [Angeline Yegnan]

L’idée est d’adopter cette méthode d’analyse sur un autre registre. L’usage des arcs, le contexte stylistique, le son produit, la technique de jeu, ces éléments qui à notre avis doivent être approfondis dans le cadre de l’enquête externe ou même dans le cas d’une analyse directe. Ce raccourci ne peut pas être supprimé complètement. Cette étape, indispensable, offre plus d’objectivité pour pouvoir étudier le produit musical comme un simple objet sonore. Cette objectivité est la finalité ultime de l’enquête interne. La pluralité des transcriptions y émerge aussi. Soumettre le même objet sonore à plusieurs transcriptions différentes sert à étudier les traits pertinents qu’on en déduit. La pluralité d’analyse est aussi soumise à plusieurs transcriptions, qui offrent de multiples analyses aux mêmes traits pertinents pour relever les points de divergence et de similitude entre les analyses. Cette approche permet l’objectivité requise pour l’enquête interne. Cette pluralité assure aussi un appui scientifique solide pour la crédibilité des résultats. C’est entre autres l’intérêt de varier les logiciels d’analyse : pour percevoir, relever, et représenter les traits pertinents recherchés.
Conclusion
Cette approche d’analogie d’adopter cette méthode sur la musique des arcs frappés africains (mbela, et godye), n’a pas répondu à toutes les attentes. Elle ne manque pas de vaillance, dont on souligne la lucidité. Cependant l’explication de l’article reste non atteinte. Nous avons eu du mal à comprendre le texte étudié et l’exemple choisi. Quant à la méthode proposée dans cet article, elle est opérationnelle sur d’autres musiques que la musique électroacoustique dans son approche à étudier le produit musical en tant qu’objet sonore et l’objectivité de l’enquête interne proposée. Multiplier les transcriptions multiplie les analyses. La diversité des résultats requis donne une légitimité scientifique au travail de recherche.
Bibliographie
CHION, Michel, Guide des objets sonores Pierre Schaeffer et la recherche musicale, Paris, Buchet Chastel, 1983.
DELALANDE, François, Analyser la musique, pourquoi, comment ?, Paris, INA éditions, 2013.
SCHAEFFER, Pierre, À la recherche d’une musique concrète, Paris, Édition du Seuil, 1952.
TOURNET-LAMMER, Jocelyne, Préface d’Emmanuel Hoog, Sur les trace de Pierre Schaeffer, Paris, Institut national de l’audiovisuel, 2006.
YEGNAN, Angéline, « Compte rendu du chapitre 5 « Transcription et analyse », pages 117 à 123 de l’ouvrage Analyser la musique, pourquoi, comment ? de François Delalande », SEEM-PS.